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Envoyé le 14 septembre 2011

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POUVOIR PAR INTÉRIM EN LIBYE

Ce que l'on ne nous dit pas au sujet de Kadhafi, et la véritable raison pour laquelle les États-Unis voulaient qu'il parte

Par Murray Dobbin

Quand les États-Unis envahirent l'Irak, après un paquet de mensonges et une monstrueuse manipulation, toute l'élite américaine, y compris la plus grande partie de la presse, des universitaires et des politiciens des deux « extrémités » du spectre politique, s'alignèrent, et on est parti en guerre. Ce fut l'un des plus honteux chapitres dans la longue histoire des actes honteux de la politique étrangère impérialiste américaine.

Mais il ne tarda pas à y avoir des voix discordantes. Les mensonges furent mis en évidence, les menteurs furent identifiés, la manipulation fut dénoncée.

Quand on regarde le triste spectacle de la couverture médiatique de la farce tragique qui se déroule en Libye, on doit se demander si quelqu'un va un jour mettre en évidence les mensonges et la démesure qui se sont déployés tout au long de ce faux printemps arabe.

Ce qui est sûr, c'est que, à mesure que des journalistes, des secouristes et des représentants des Droits humains arrivent dans le pays, certains faits évidents sortent peu à peu. Les « combattants de la paix » - plutôt des hooligans avec des mitrailleuses - ont pillé des douzaines de dépôts d'armes de l'armée libyenne. Selon Peter Bouckaert de Human Rights Watch, « Chaque fois qu'une ville tombe, cela se termine par un pillage... À chaque entrepôt de missiles sol-air, ceux-ci disparaissent »

Mais enfin, ces amoureux de la démocratie, qu'est-ce qu'ils vont faire de ces armes ? Les États-Unis et l'Union européenne pourraient peut-être commencer à se préoccuper du fait que, quel que soit l'acheteur sur le marché noir, ces armes vont finir entre les mains de Al -Qaida. Ou peut-être les missiles vont-ils finir dans les mains du taliban où ils vont être utilisés pour abattre des hélicoptères américains. Et que dire des armes de type blowback ? Dommage que les Américains n'aient jamais compris cette situation ironique.

Les photos des révolutionnaires font réfléchir toute personne sensée. Pratiquement toutes les photos des rebelles victorieux montrent de jeunes hommes agressifs, indisciplinés, armés jusqu'aux dents, brandissant haut leurs fusils (en tirant souvent au hasard). Je n'ai pas vu une seule photo ou une seule vidéo avec seulement une femme - et pratiquement pas d'homme au-dessus de 25 ans.

Et bien que les médias occidentaux répètent que le Conseil national de transition contrôle ces dangereux voyous et voleurs, la vérité est ailleurs. Plusieurs groupes rebelles ont dénoncé le Conseil national de transition et ont dit qu'ils ne reconnaissaient pas son autorité. Ainsi, non seulement le Conseil national de transition ne représente personne, mais il ne contrôle même pas sa propre « armée ». Le Conseil national de transition , c'est à peine plus qu'un groupe d'opportunistes rapaces qui salivent à la pensée de mettre la main sur les milliards de fonds de l'État que l'OTAN leur propose maintenant. C'est seulement à cause des efforts constants de ses maîtres-chiens de l'OTAN pour les discipliner que les membres du Conseil national de transition s'arrangent pour maintenir un semblant de bienséance et de crédibilité.

Les idées romantiques de l'OTAN

Aucun média ne mentionne le fait que Kadhafi ne possédait pas des milliards planqués dans des coffres de banques à travers le monde pour son usage personnel, comme le faisaient certains autres comme Moubarak. C'est sûr que Kadhafi et sa famille, et ses proches associés, vivaient dans le luxe. Mais les dizaines de milliards saisis illégalement par les pays occidentaux, c'était de l'argent appartenant à l'État libyen et à sa banque nationale. Car l'OTAN a détruit le gouvernement libyen, - et non pas seulement le régime de Kadhafi. Des dizaines de milliers de travailleurs étrangers ont quitté le pays, dont beaucoup étaient d'une importance décisive pour le fonctionnement du pays. Les rebelles ont été accusés d'avoir exécuté des noirs sans raison, parmi eux beaucoup d'étudiants et de travailleurs. Les contributions de ces travailleurs étrangers sont probablement terminées pour toujours.

Mais rien de tout cela ne préoccupe l'élite politique canadienne et ses mercenaires intellectuels. En voici l'un des exemples les plus honteux - il y en a beaucoup - : Lloyd Axworthy, l'ancien ministre des affaires étrangères « hautement respecté » sous Jean Chretien. Il a écrit un commentaire pour le Globe and Mail, et celui-ci aurait pu être écrit pour un contrat avec la cabale actuellement au pouvoir à Tripoli. Un article plus simpliste et plus délibérément obscurantiste est difficile à imaginer. L'article de Axworthy passe la brosse à reluire avec romantisme sur la façon dont l'OTAN a bombardé la Libye, qui serait une énorme avancée pour le principe de la responsabilité de protéger. Ce principe, c'est l'arme idéologique de l'OTAN qui lui permet de faire ce qui lui plaît. Axworthy fut un personnage-clé pour faire établir ce principe aux Nations Unies en 1999-2000.

D'après Axworthy, « nous sommes sérieusement engagés dans un rétablissement de l'ordre international en vue d'un monde plus humain et plus juste. » Je prédis que la manipulation monstrueuse du mandat de l'OTAN d'imposer une zone d'exclusion aérienne pour protéger les « civils » (une violation que Axworthy ne mentionne même pas), cela va en fait faire plus de dommages au principe de la responsabilité de protéger que toute action similaire jusqu'ici. Je ternirai la réputation des Nations Unies, également, car cette organisation a permis que son mandat fût utilisé pour une conquête impérialiste. La précipitation inconvenante, en particulier de la France, de la Grande-Bretagne et de l'Italie, pour mettre les mains sur le pétrole libyen, sera bientôt trop évident pour qu'on puisse la cacher. Sans aucun doute, les révolutionnaires sont en train de signer des contrats pour transmettre cette ressource précédemment nationalisée aux néocolonialistes qui les ont mis au pouvoir - dérobant ainsi aux vrais civils leur droit originel.

Traiter avec la nouvelle bande au pouvoir

Qui va prendre la « responsabilité de protéger » les Libyens de cette nouvelle bande ? Qui va protéger le peuple de Libye pour qu'il continue à profiter d'un pays où plus de 90 % des gens savent lire, où le taux de mortalité infantile est le plus bas et l'espérance de vie la plus haute d'Afrique, où les soins médicaux sont gratuits, de même que l'éducation, et où l'indice de développement humain est le plus élevé de tout le continent ? Les gars qui tirent en l'air savent-ils seulement que leur niveau de vie - grâce au pétrole nationalisé - était parmi les plus élevés en Afrique ? À qui vont-ils s'en prendre quand les soins médicaux vont disparaître et que leurs enfants devront payer pour aller à l'école ? La démocratie occidentale du libre marché va arriver en Libye à un prix élevé quand elle sera organisée et livrée par les puissances coloniales.

Il est difficile de savoir si le brain-trust actuellement à la tête de l'OTAN croyait que toute l'affaire serait terminée en quelques semaines, mais ce qu'ils savaient, et ce que les médias canadiens refusent de nous dire, c'est que la Libye était le principal obstacle à la continuation de la surexploitation de l'Afrique et de ses vastes ressources. Sur tous les fronts, la Libye utilisait sa richesse pétrolière pour fermer peu à peu la porte au Fonds monétaire international, à la Banque mondiale et à l'hégémonie du dollar américain dans la domination économique de l'Afrique.

Si vous voulez peindre une image des coulisses de l'OTAN avant l'éclosion du véritable printemps arabe, imaginez les courtiers du pouvoir assis autour de tables de chêne, essayant de trouver un moyen pour empêcher Kadhafi de ruiner ce qui était leur filon depuis des décennies, et même des siècles. Ensuite, imaginez la surprenante arrivée du printemps arabe. Quel cadeau, et livré juste en temps voulu.

Enlever un obstacle au néocolonialisme

Le rôle de l'Afrique comme réservoir géant de ressources bon marché était menacé juste au moment où les États-Unis et l'Union européenne faisaient face à une catastrophe économique à cause de la dérégulation de leurs propres politiques financières. La Chine investit des milliards en Afrique - et pas seulement pour l'extraction de ressources. Elle aide les pays africains à s'industrialiser, ce qui est le plus sûr moyen pour qu’ils acquièrent l'indépendance économique.

L'OTAN ne peut rien faire contre la Chine. Mais l'autre face de l'indépendance, c'était la détermination de Kadhafi pour couper les liens de l'Afrique avec des institutions financières occidentales qui l'opprimaient. Non seulement Kadhafi était en train de créer la Banque d'investissement africaine (proposant des prêts sans intérêt) et le Fonds monétaire africain (avec pour centre le Cameroun) éliminant le rôle du Fonds monétaire international, mais il était aussi en train de préparer une monnaie africaine basée sur l'or qui devait sérieusement affaiblir les États-Unis en ruinant le dollar. Tous les fonds libyens mis en réserve pour ces projets panafricains ont été gelés par l'OTAN et vont maintenant être transférés - prudemment, c'est certain - aux pantins néocoloniaux installés à Tripoli.

L'action de Kadhafi a été aussi déterminante en tuant l'AFRICOM, une nouvelle base commandée et contrôlée par l'armée américaine, destinée à ajouter une intimidation militaire à la domination économique américaine. On peut s'attendre à ce que cette initiative soit réactivée.

Ainsi les conséquences du conflit en Libye sont juste en train de commencer à se déployer. L'OTAN va être embourbée en Libye pendant les années à venir pour s'assurer que ses objectifs pétroliers sont atteints et pour manipuler « les élections démocratiques » de façon que ses amis du Conseil national de transition puissent garder le contrôle. Bien que jusqu'ici la réponse des pays africains et de l'Union africaine ait été assourdie, elle viendra tôt ou tard. Ces pays devront forcément reconnaître que le changement de régime en Libye n'était destiné qu'à saboter l'unité panafricaine.

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